Voilà donc le débat posé. L'unanimité se fait contre Benjamn Rassat et son film I am the media. Et ne pas aller dans le sens de la vox populi semble être un exercice de style. Un peu comme si un avocat se retrouvait avec le pire des meurtriers.
Benjamin avait probablement l'ambition de ne plus entendre des gens critiquer l'égocentrisme de la Blogosphère ... Bien qu'à la sortie du film j'entendais toujours les "je n'ai pas de facebook, pas de iphone et pas de Blackberry et ça ne manque pas". Il a probablement réussie à faire passer le message que Internet et le narcissisme ce n'est pas grave ... Comme le dirait le psy de fun.
Ce qui m'a le plus intéressé, c'est ce moment où Thierry Hermann parle de la nécessité de gérer la multiplicité de notre identité. Celui-ci dit qu'une philosophie est nécessaire pour gérer cette multiplicité. Je suis tellement d'accord avec ce propos que faute de philosophes qui considère le sujet comme suffisamment important, j'ai décidé d'en saisir personnellement le sujet dans un livre.
Ce débat m'intéresse depuis longtemps, depuis mon époque sur le Seesmic qui n'était que TV. J'avais à l'époque contacté Yann Leroux pour en faire un article. Cet angle du narcissisme inérant à la vidéo est un excellent sujet. Je ne m'attendais pas à ce qu'on le traite ainsi.
Dés le début Benjamin le traite avec une certaine légèreté. Et son leitmotiv "est-ce que vous vous googlez ?" lancinant , et presque agaçant quand on sait à quelque point cela hérisse le poil des néophytes. Un discours mené en parallèle avec son propre personnage qu'il instrumentalise pour les besoins de la cause. Ce jeu ( je persiste ) permet de mettre de la distance avec cette identité du net.
Cela prend complètement à rebrousse-poil tout les débats actuels sur la vie privé, et la protection de notre identité. C'est presque le meilleur argumentaire contre le projet de la loi Masson.
Pourquoi cela semble déranger de tourner le narcissisme en dérision ? Parce que c'est de nous dont il s'agit. C'est notre personnalité. Elle a peut être de la valeur sur le net, sur un écran de cinéma ou devant un ordinateur... Mais c'est surtout dans la vraie vie que ce trouve la réelle valeur de notre identité, dans le regard d'autrui , dans l'écho de ce que l'on donne et que l'on refuse ou que l'on accepte. et peut être que différencier ces deux images peut poser un problème.
Au fond c'est seulement quand notre narcissisme nous éloigne des autres que cela est dangereux. C'est un peu ce que montre Wim Wenders à la fin de son fabuleux Until the end of the world en 1992.
Le Film de Benjamin Rassat est déroutant, mais j'aime bien cette déroute, car elle m'oblige à me dire que je ne suis que ce que je veux être. Et que ça a intérêt de me plaire parce que ça fera partie des choses qui vont me construire. Le fait, aussi, que je me pose encore ces questions démontre aussi qu'au fond je suis encore un enfant de ma propre vie.
Je suis un média, je suis un enfant qui se construit, je suis dans un monde qui se construit. Ce que je perçois du monde est un travail qui se construit. L'accepter c'est avancer. Rencontre d'écho après rencontre d'écho.