George n'a pas de blog, et a trouvé un écrin en la Blugture où déposer son écriture, un petit diamant.
Un fond noir. Des ronds blancs, jaunes, bleus.
Un disque noir dans un autre, bleu, et un cercle blanc.
Et un nom, en rouge.
Si vous n'avez pas croisé cette affiche 100 fois dans le métro, c'est celle de l'expo Kandinsky, à Beaubourg.
De loin, on croirait des bulles de savon, de plus près une éclipse solaire. En fait, on peut y voir ce qu'on veut. Et c'est justement le principe!
Bien sur, ça n'a pas toujours été le cas. Aux débuts de l'artiste, tout reste très figuratif (cherchez le chat de l'artiste dans "La Vie mélangée"), l'univers résolument russe. Une foule de personnages, des touches de couleur, et une harmonie folle qui se dégage de la composition. Mais au fil des salles qui se succèdent, les formes deviennent plus floues, les couleurs plus vives. L'artiste se passe du trait, du principe du dessin, et seules les couleurs demeurent, deviennent la matière du tableau. Au passage, on tort le coup aux conceptions de l'art comme imitation du réel, à la prétendue supériorité du dessin en peinture (désolée, j'avais un compte à régler avec Kant, qu'on m'a forcée à lire quand j'étais plus petite- en même temps, pas sure que citer Kant, - aïe deux fois maintenant- génère du clic sur la blugture...). Évidemment, pour apprécier le tout, les myopes ont un avantage comparatif sur les autres...
La vie mélangée - (Das Bunte Leben), 1907
Tempera sur toile - 130 x 162 cm
Tempera sur toile - 130 x 162 cm
Dépôt de la Bayern LB
à la Städtische Galerie
im Lenbachhaus, Munich
© ADAGP, PARIS 2009
à la Städtische Galerie
im Lenbachhaus, Munich
© ADAGP, PARIS 2009
Les effets d'optique, c'est formidable: la Joconde qui vous suit des yeux, les marches de Chiricho qui montent a l'infini... Mais représenter le mouvement sans utiliser la perspective, avouez que ça coupe le souffle.
Et puis le trait revient sur la toile. Une débauche de triangles, d'arcs de cercles apposés au pinceau noir sur des univers de couleur de 3 mètres sur 4. Et là, on reste planté pendant des heures, hypnotisés. On peut chercher une signification, ne pas la trouver, ou juste se laisser emporter quelque part où on n'avait jamais mis les pieds avant. La meilleure part de tout ça, c'est qu'évidemment, chacun y trouve ce qu'il y met de lui-même, ce qu'il y cherche. Ça donne du boulot au public, l'interprétation... D'habitude, le dessin guide les yeux sur la toile, lui indique la route à suivre. Ici, on est paumés, sans doute, un peu au début, mais on est face au vide, à soi, à ce qu'on veut..
.
.
Comme dans toute expo, il y a aussi cette petite salle un peu obscure, qui rassemble des écrits, des gravures, des coupures de journaux de l'époque. D'habitude, je n'y mets jamais les pieds: la foule agglutinée s'y bouscule pour observer des post-it en N&B de 6 cm sur 8 pour rentabiliser le ticket d'entrée, ce qui est particulièrement ridicule quand on va voir un coloriste comme Kandinsky.
Der Blaue Berg, 1908-1909
Huile sur toile – 106 x 96 cm
Guggenheim Museum, New York
Solomon R. Guggenheim Museum, New York
Solomon R. Guggenheim Founding
Collection, by gift
© ADAGP, Paris 2009
Huile sur toile – 106 x 96 cm
Guggenheim Museum, New York
Solomon R. Guggenheim Museum, New York
Solomon R. Guggenheim Founding
Collection, by gift
© ADAGP, Paris 2009
Sauf que cette petite salle couvre les années ou le peintre, en exil, n'avait pas de matériel pour travailler, et réalisait en minuscules aquarelles les futures toiles gigantesques qu'il imaginait. Très touchant, donc, d'entrer dans l'imaginaire mouvant du peintre, en petit. Surtout que cette période précède les changements les plus radicaux.
Maintenant que vous avez lu jusque là, je peux bien l'avouer: Kandinsky est mon peintre préféré. Il y a bien Manet, Picasso et les autres, et puis cette idée un peu dérangeante de n’avoir qu’UN peintre préféré, mais je suis bien obligée de confirmer, après cette expo qui pour un fois montre toute son oeuvre.
Enfin, pour oublier les commentaires désopilants qu'on ne manque pas d'entendre dans ce genre d'endroit (un florilège: "tu as reçu la déclaration d'impôts?", "ah non! Jérémie ne redoublera pas sa 5eme!", "c'est terrible cette année, je leur ai enlevé trois tiques samedi matin"), on peut apporter sa musique: commencer avec un compatriote russe, continuer par ce qu'on veut d’un peu déstructuré , et finir par de la pop, bien entendu. Parce que toutes ces lignes parallèles, ces arcs de cercle, ces tonalités de couleur, moi, ça me fait quand même un peu penser à la musique… mais bon, c’est pas obligé…
Kandinsky au Centre Pompidou
Info pratiques :
8 avril - 10 août 2009
11h00 - 23h00
Galerie 1
12€, tarif réduit 9€
[Edit :F2B] Milles excuses pour la qualité des deux images, elle sont de cette qualité dans le dossier de presse.